A-t-on besoin d’un nouvel Internet ?

Les réseaux sociaux peuvent avoir un tel impact sur nos vies que nous sommes dorénavant définis par nos opinions affichées sur le net. Notre vie privée peut être exploitée à des fins de marketing ou même utilisée contre nous. D’un autre côté, nous souffrons aussi d’une forme de passivité liée à cette trop grande habitude du virtuel, et nous nous contentons de valider des opinions mais sans les mettre en action.
Si un nouvel Internet pensé véritablement pour les relations humaines venait remplacer l’actuel, alors vous pourriez par exemple vous connecter à n’importe quel casino pour jouer à la roulette en ligne, sans craindre que vos données personnelles soient utilisées n’importe où, ou traitées avec des intentions détournées ou mercantiles.
Le paradoxe de Facebook
Devant le cortège du congrès américain, le fondateur et PDG de Facebook Mark Zuckerberg a avoué avoir transmis les données personnelles de quelques 87 millions d’utilisateurs de son réseau social au cabinet d’analyse Cambridge Analytica. Celles-ci auraient servi aux campagnes politiques en faveur du Brexit et à l’élection de Donald Trump en 2016.
Révolte et sentiment d’injustice de la plupart des utilisateurs qui se sont sentis trahis. Mais en même temps il ne semble pas qu’il y ait eu un effet de désertion massif du réseau social. Nous sommes en effet aspirés par notre addiction à celui-ci, car il fait partie à part entière de notre manière d’utiliser Internet et de communiquer avec une partie de nos proches et de nous informer.
Un «slacktivisme» dont nous nous contentons
L’effet glissant de cette addiction au virtuel est ce qu’on qualifie de «slacktivisme», ou activisme hashtag : nous partageons l’intérêt pour des causes profondes et importantes, mais ne changeons pas nos habitudes de vie ni n’agissons concrètement pour permettre à celles-ci de changer la société.
Par exemple, nous voulons dénoncer les violences faites aux femmes ou aider à éteindre des incendies ravageurs dans des pays comme l’Australie, mais nous nous contentons de «liker» ou de signer des pétitions virtuelles. Ceci car la culture de l’avis, aimer ou réagir avec des émotions virtuelles, nous apporte la dose de sensation d’activisme dont nous semblons pouvoir nous contenter.
L’oubli n’existera bientôt plus
Autre effet pervers pour l’avenir : savez-vous que plus d’un milliard de photos sont uploadées quotidiennement sur la plateforme. Mais le symptôme est surtout qu’en fait rien ne peut plus s’oublier maintenant. Tout ce qui a pu être enregistré numériquement et publié, parfois même de manière automatique, pourra toujours rester en mémoire quelque part, et ainsi la moindre erreur de comportement ou de faute de goût pourra laisser une trace indélébile jusqu’à la fin de nos jours. Les jeunes générations en cours et à venir seront de plus en plus scrutées numériquement, car cela sera accessible par les décideurs de la société de demain, les recruteurs et les hommes politiques. Le concept de vie privée devra faire des concessions de plus en plus étouffantes.
Une construction de soi forcée avant l’heure
Du coup, l’importance d’anticiper les futurs attentes des gens qui seront à l’affût de notre passé impossible à dissimuler nécessitera d’avoir agi le plus tôt possible dans notre construction personnelle et professionnelle. Ainsi, on peut voir le cas de jeunes américains de 13 et 14 ans qui ont déjà crée un compte LinkedIn en y inscrivant des éléments parfois factices, afin de se valoriser avant l’heure et être déjà compétitifs sur le futur marché du travail et du paraître lié à celui-ci. La période d’insouciance et de découverte de soi deviendra une période où la performance et la perfection seront la seule loi.
Plus de droit au pardon non plus
En août 2018, une jeune femme a publié sur Twitter son excitation de rejoindre l’agence spatiale américaine, la NASA, dans le cadre d’un stage. Son émotion a été exprimée de manière assez directe et d’une élégance imparfaite certes, mais le retweet de ce message, arrivé jusqu’à la NASA elle-même, lui a alors valu annulation de son stage. Autre exemple avec celui d’une autre jeune femme qui a exprimé un enthousiasme quant à lui un peu plus négatif à l’idée de commencer à travailler pour une chaîne de pizzas au Texas. Conséquence celle-ci n’a du coup jamais commencé ce nouveau travail, car elle s’est vu signifier son renvoi via Twitter avant même le début de celui-ci.
En définitive, un jour ce besoin de se resserrer autour d’un vrai Internet de communauté, qui comprend vraiment l’humain au lien d’un simple Internet commun, devra prendre le pas si nous voulons éviter de tomber dans les écueils des films de science-fiction et d’anticipation qui nous ont toujours fait froid dans le dos...